Aaron : « L’inconnu est très excitant »
Le duo electro-pop français Aaron publie son 3e album studio. Un disque plus sombre, mais toujours avec un peu de lumière.
Déstabilisant. C’est le mot qui vient à l’esprit à la première écoute de We cut the night, le troisième album du duo français Aaron. L’album est sombre, mais possède aussi ses traits lumineux (Blouson noir, Onassis, We cut the night). S’il ne se laisse pas appréhender dès la première écoute, ce nouveau disque vous emmène vers d’autres terres encore inexplorées par Simon Buret et Olivier Coursier. Et pour eux, c’est sans doute le plus beau compliment.
Peut-on parler de «We cut the night» comme de votre «dark album»?
Simon Buret: Dark, non… C’est connecté à l’intime. L’idée est de suivre les émotions qui nous traversent et d’en faire des chansons. Mais il y a beaucoup de lumière…
Mais il y a clairement une volonté de repartir d’une page blanche…
S.B.: C’est un peu ça…
Olivier Coursier: Cela s’est fait naturellement car on va de l’avant.
S.B.: Olivier et moi sommes attirés par ce qu’on n’a pas fait plutôt que par ce qu’on a fait. L’inconnu est très excitant. On saisit l’instant.
C’est une difficulté de ne pas retomber sur ce qu’on a fait?
O.C.: Il faut le faire au moment où l’on a des choses à dire… C’est ce qui explique la durée entre les deux albums.
Cela fait déjà dix ans que vous faites de la musique ensemble. C’est quelque chose qui a évolué?
S.B.: Bien sûr! C’est plus fluide aujourd’hui. Olivier et moi, on s’impose de ne pas se juger et d’aller vers l’avant.
O.C.: Parfois, Simon me demande un avis sur une phrase, mais pour moi c’est parfait. Pour la musique, je réalise un squelette mélodique puis on articule plein de choses autour de ça.
Vous auriez pu faire appel à quelqu’un pour réaliser cet album. Mais ce n’est pas le cas.
O.C.: On n’en a pas ressenti le besoin. En plus, on a un langage particulier puisqu’on travaille plutôt à partir d’images que de notes.
S.B.: Par contre, c’est la 1re fois que l’on confiait le mix à quelqu’un d’autre (NDLR: Antoine Gaillet). C’était déstabilisant. Mais il nous a amené une autre couche de lecture, avec un son qui enveloppe.
Le titre qui ouvre l’album, «Blouson noir», laisse penser que vous revenez au français comme avec «Le tunnel d’or» sur le 1er album et pas du tout…
S.B.: (sourire) Cela vien d’une métaphore d’un manteau de nuit, d’une cape de l’intime. C’est une chanson qui est née à New York, qui porte en elle la nature intime des choses. Il n’y a vraiment que là-bas que l’on trouve cette énergie permanente. À l’époque où je l’ai écrite, j’écoutais beaucoup la chanson I’ve seen that face before de Grace Jones (NDLR: chanson des années 80 où Grace Jones parle en français). Je trouvais ça hypertripant, car tu avais cet ange noir qui planait…
New York semble jouer un grand rôle dans votre écriture…
S.B.: Oui, j’y vais souvent. C’est une ville qui ne dort pas, un peu comme Istanbul. Cette énergie, soit tu la prends, soit elle t’écrase. Mais elle est là.
Le morceau «Onassis» fait aussi référence à New York, puisqu’il s’agit de l’étendue d’eau qui se trouve dans Central Park…
S.B.: C’est un morceau qui parle de renaissance. Je l’ai écrit en hiver. J’étais devant le lac gelé et j’ai vu des oies sauvages qui ont décollé vers le soleil. Je me suis dit que c’était une belle image.
Un peu comme la ville de Dubaï qui jaillit du sable dans le clip?
S.B.: Ce clip est un symbole de l’effacement quand tu n’es pas à ta place. C’’est un morceau sur le lâcher-prise: accepter ce qui se passe pour mieux y plonger.
On peut y voir aussi les fondations de la ville qui ne tiennent pas sur le sable et qui font référence à ce que John Malkovich dit dans le teaser de l’album: «Nous ne sommes rien»…
S.B.: Oui, bien sûr, tout est lié… On n’est rien, alors autant l’accepter et en profiter. J’ai compris tout ça après le deuxième album. La seule constance dans la vie, c’est le mouvement. Une fois que tu l’intègres, c’est assez beau…
Pourquoi avoir fait appel à Malkovich?
S.B.: On voulait vraiment une préface, avec quelqu’un qui l’incarne. cet album est sous l’influence de tout ce qui a fait le surréalisme (Breton, Cocteau, Magritte…). Il y a des traces de ça. Et quand il a dit oui, on a été touchés.
Aaron, «We cut the night», Pias. Le 03/12 au Reflektor à Liège (complet), le 04/12 à l’Eden Charleroi, le 24/02/16 à l’Ancienne Belgique.
Article de Marc Uytterhaeghe